Si l’on entre en aviation comme on entre en religion, il faut bien se référer à des écrits « sacrés »… C’est sans doute ce que pensait Raymond Sirretta, rédacteur en chef d’Aviasport lorsqu’il a baptisé la nouvelle méthode de formation au pilotage « L’évangile selon Saint-Yan ». Mise au point par Louis Notteghem et son équipe d’instructeurs au début des années 1950 au Centre national de Saint-Yan (Saône-et-Loire), cette méthode française du pilotage va marquer la manière de former les futurs pilotes… Les fils et neveu de Louis Notteghem reviennent sur cette période des 20 premières années du Centre national dans un ouvrage remarquable, indispensable à toute bibliothèque aéronautique digne de ce nom.
Dans un ouvrage, richement illustré, les auteurs évoquent des 20 premières années de « Saint-Yan » (1947-1967). Leur ouvrage en retrace les étapes importantes en faisant revivre différentes facettes, les évènements marquants, la diversité des acteurs et en particulier la figure centrale de Louis Notteghem, grâce au travail de recherche et de rédaction de Jean-Loup et Patrice Notteghem, ses fils ainés, et les talents de graphiste de son neveu Philippe Dubois. Comme tous ceux qui, enfants et adolescents, ont vécu le premier âge de « Saint-Yan », ils ont été les témoins émerveillés et privilégiés de cette épopée, relatée à travers leurs souvenirs, enrichies d’informations recueillies auprès de nombreux acteurs, de l’analyse des images collectées ou de l’exploitation d’archives inédites. Interdite pendant l’occupation, l’aviation civile française est totalement désorganisée à la Libération. Le Service de l’Aviation Légère et Sportive, nouvellement créé, est chargé de relancer la formation de moniteurs de vol à voile, de vol à moteur et de parachutisme destinés à réactiver les aéro-clubs.
En 1947, le SALS confie trois missions à Louis Notteghem, tout nouveau chef-pilote du Centre national de vol à moteur de Carcassonne : élaborer une nouvelle méthode d’apprentissage du pilotage, constituer une équipe destinée à la création d’un nouveau centre et rechercher un site adapté pour l’implantation de celui-ci.
Le choix se portera sur le terrain militaire sans usage de Saint-Yan, investi par l’équipe pionnière dès le 2 janvier 1948.
Saint-Yan en 1948
Saint-Yan est un village agricole situé à l’est de la Saône-et-Loire, sur un carrefour routier, entre plaine de la Loire et collines du Charolais. L’armée française y a construit en 1938 un « terrain d’aviation », appelé localement « le camp ». Durant la guerre, l’armée allemande l’a agrandi et y implanté des installations qu’elle a détruites à son départ.
Des photos montrent la rusticité du terrain d’aviation de l’époque : des pistes en herbe sur un vaste terrain pentagonal cerné d’un taxiway en ciment ; pour seuls bâtiments, des « baraques » en bois, très inconfortables, construites après-guerre par l’armée française et implantées selon une géométrie toute militaire, une tour d’observation en bois et deux hangars fraîchement édifiés. Les premiers avions et le matériel initial ont été convoyés depuis Carcassonne.
Les obstacles sont immenses, mais en cette période d’optimisme et d’espérance en un avenir meilleur, tous sont décidés à réussir ce qu’on jugerait aujourd’hui mission impossible.
Une équipe de passionnés
L’équipe qui s’installe à Saint-Yan en 1948 est très jeune. Le projet du centre attire des personnalités exceptionnelles, décidées à enfin vivre leur passion pour l’aviation et à la transmettre. Parmi les brillants pilotes quelques-uns trouvent leur vocation dans le travail de pilote-instructeur, et réaliseront l’essentiel, voire la totalité de leur carrière à Saint-Yan. Les pilotes de la patrouille de Saint-Yan sont de ceux là. Le personnel au sol se sent aussi pleinement investi dans le projet, malgré la grande précarité des moyens techniques des débuts.
Louis Notteghem, le premier chef-pilote, n’a que 30 ans en 1948. Pilote d’exception, nommé Chef de centre dès 1950, avec le statut de pilote jusqu’à sa retraite en 1981, est devenu par nécessité administrateur éclairé et pugnace. Il conduit l’évolution du centre avec l’ambition d’offrir dans une école d’État, le meilleur enseignement aux élèves boursiers les plus compétents et motivés, pour en faire les meilleurs pilotes au monde. Cet objectif est atteint dès 1961 avec l’élaboration d’une formation ab initio de pilotes de ligne et la réussite, très vite reconnue, des premières promotions. Pour des milliers de pilotes, la réputation de « Saint-Yan » leur ouvre les portes de nombreuses compagnies aériennes.
Une méthode vite reconnue
En quelques années, la nouvelle « Méthode française d’apprentissage du pilotage », très attendue, est théorisée, expérimentée et formalisée. Incluant aspects théoriques et étapes de progression, elle vise la maîtrise du vol en toute circonstance, afin d’assurer la plus grande sécurité. Elle sera la marque du centre et en assurera la réputation en France et bien au delà des frontières. Raymond Sirretta, rédacteur en chef d’Aviasport, la présente dans les 13 premiers numéros de cette nouvelle revue, sous le titre : « L’évangile selon Saint-Yan ». Cette expression de journaliste, marquée d’un trait d’humour, contribuera à la promotion rapide de cette méthode novatrice et de « Saint-Yan » dans le milieu aéronautique. Les prestations des pilotes de l’équipe pionnière en assureront la popularisation auprès du grand public lors de nombreux meetings aériens.
Des avions pour certains entrés dans la légende
« Saint-Yan » teste de nombreux avions pour choisir les plus adaptés à la formation. Après l’affectation d’avions hétéroclites, rescapés du conflit ou saisis au titre de réparation des dommages de guerre, le parc devient rapidement rationnel. D’abord avec le Stampe SV4c, avion exceptionnel, outil de l’élaboration de « l’évangile selon Saint-Yan » ; puis le Beechcraft D18 et le DC-3 remplaçant très tôt le bimoteur Caudron Goéland ; à partir de 1953, le Morane 733 succédant au Stampe, permet une évolution vers un pilotage moderne. Les avions à réaction, présents très tôt sur le centre, entrent dans l’enseignement du pilotage dès 1961, avec le Morane 760 Paris, auquel succéderont le Dassault Mystère 20, puis la Corvette, d’Aérospatiale. L’arrivée en 1967 du Nord 262 marque aussi une étape majeure dans l’évolution dans la formation des élèves pilotes de ligne.
Format 21 x 25 cm, couverture souple.
Édité à compte d’auteurs. 416 page,
44,00 € + 5,00 € de port