Christian Ravel, fondateur du Groupement pour la préservation du patrimoine aéronautique (GPPA), d’Angers, vient de se voir honoré par la Fédération Aéronautique Internationale (FAI) du Diplôme Paul Tissandier. Ce prix annuel, créé en 1952, récompense un exploit sportif ou quelqu’un ayant particulièrement servi la cause de l’aéronautique. Paul Tissandier (1881 – 1945) est un pionnier de l’aviation française, cofondateur et secrétaire général de la FAI (de 1919 à 1945).
Christian Ravel a présidé le GPPA – dont le musée angevin est devenu Espace Air Passion – pendant 25 ans avant de passer la main pour se consacrer principalement à la gestion et l’animation des archives de l’établissement. Il est un de ces personnages hors du commun qui marquent leur époque dans leur domaine de prédilection, en l’occurrence l’aviation.
Hors du commun dès sa jeunesse, car il n’est pas courant, dans les années 1960-1970, de se passionner pour l’histoire de l’aéronautique. A 15 ans, on a plutôt la tête tournée vers l’avenir, quitte à vouer aux gémonies les « vieilleries d’autrefois ». Christian, lui tombe sur quelques vieux papiers et comprend qu’il doit les conserver. Alors il conserve, il en ajoute, il compile, il collectionne…
Tout lui est bon : papiers, objets, photos, œuvres d’art, puis viendront ensuite les planeurs et les avions. Premier du lot, un Nord 1300. Comme il aime à le rappeler, celui-ci était destiné à « faire du bois » pour un barbecue sur le terrain. Il s’en étonne, puis s’insurge. Le voilà qui négocie la sauvegarde de la petite machine pas encore vraiment historique mais déjà bien obsolète dans l’esprit des vélivoles de l’époque. Il offre le charbon de bois du barbecue et emporte le Nord 1300 chez lui. C’est le début d’une grande aventure.
Instit puis pilote
Fils et petit-fils d’instituteurs, il est appelé à poursuivre la lignée familiale. Il intègre l’École Normale et nous le retrouvons quelques temps plus tard, directeur de la petite école primaire de Saint-Georges-sur-Layon, au beau milieu des vignes du terroir de l’Anjou.
Mais son vrai rêve de gosse à lui a pris corps à l’aérodrome d’Angers-Avrillé. Il y a suivi la voie traditionnelle de l’aéromodélisme avec le CLAP (Comité laïque d’aviation populaire), le vol à voile, puis la formation de pilote privé avion, sous l’aile protectrice du « Patron » René Hersen, chef pilote de l’Aéro-Club de l’Ouest. Sur la piste, ses copains vélivoles vont inscrire leurs noms sur les podiums des compétitions nationales et internationales : Michel Mercier, Michel Penaud, François Hersen et bien d’autres. Puis les choses sérieuses arrivent : formation d’instructeur planeur et avion, stage de pilote professionnel, etc. L’Éducation nationale s’éloigne alors que se profilent à l’horizon les compagnies aériennes.
Christian Ravel à 19 ans devant un Nord 2000 de l’Aéro-Club de l’Ouest. (Col. Espace Air Passion).
Christian Ravel décroche ses qualifs professionnelles et, quittant le centre national de Saint-Yan, il trouve le soir même son premier boulot chez Touraine Air Transport. Sa nouvelle carrière débute.
Une association pour préserver
Il ne perd pas pour autant sa passion pour la sauvegarde des vieux serviteurs de l’aviation légère. En 1981, il lui faut une structure pour organiser et accueillir la collection qui ne fait que grandir. Ce sera la naissance du GPPA, un des tout premiers musées aéronautiques français consacré à « la légère et sportive », comme on disait après la guerre. Il ressemble quelques passionnés derrière lui et continue à collectionner et à préserver tout ce qu’il trouve, abritant ici ou là fuselages, ailes, moteurs et pièces diverses.
Son métier de pilote de ligne lui facilite parfois la tâche avec des rencontres utiles, un peu de temps libre en escale pour écrire l’histoire des planeurs anciens. Il a quitté TAT pour intégrer UTA : l’Afrique, l’Orient sont ses nouveaux horizons professionnels.
A Avrillé, il fait le forcing auprès du maire d’Angers, Jean Monnier, pour obtenir un abri digne de ses vénérables machines. Il finit par obtenir un hangar, déménagé du parc des expositions et remonté sur l’aérodrome. Le musée prend sa forme physique et les premiers visiteurs viennent s’étonner du travail de sauvegarde réalisé par ses bénévoles. On y conserve, certes, mais on restaure aussi dans l’intention de remettre en état de vol. Les documents, archives et photographies y arrivent par cartons qu’on compte en mètres-cubes. Et on manque déjà de place…
Christian Ravel y est un défricheur inépuisable, tel un bulldozer que suit, tant bien que mal, une petite armée de terrassiers. Grâce à ses qualités relationnelles, les portes s’ouvrent et les oreilles se dressent sur son passage. Son ouvrage progresse à grands pas.
Dans les années 2000, Angers se dote d’un nouvel aéroport, à Marcé, à 25 km au nord d’Angers. Avrillé va fermer, le musée du GPPA aurait pu être en grand péril. Mais son président fondateur a pris les devants. Avec Jean Monnier, qui est devenu son ami, il arrive à convaincre de l’intérêt de l’oeuvre entreprise depuis 20 ans et sur l’aéroport tout neuf, le GPPA sera doté d’une structure de 3500 m2 d’exposition, dans une architecture moderne de verre et d’acier. Un complément de 1500 m2 viendra ensuite donner les réserves indispensables au musée nouvelle génération. Dans l’esprit du maire d’Angers, « le musée est la caution culturelle du nouvel aéroport ».
Trésor vivant ?
Christian termine sa carrière à l’âge de 60 ans, commandant de bord à Air France sur Boeing 747, avec 23000 heures de vol sur un nombre incalculable d’avions et de planeurs. Il peut commencer à plein temps celle de conservateur, lançant le musée angevin sur sa trajectoire de croisière. Quelque dix ans après l’installation à Marcé, il en laisse la présidence à François Blondeau pour se consacrer à la partie qu’il affectionne le plus : les archives et l’histoire de l’aviation. Son action continue en faveur de ce patrimoine l’a conduit à devenir expert du patrimoine aéronautique auprès du ministère de la Culture et de l’Aéro-club de France, faisant de lui une des chevilles ouvrières du classement Monument historique des aéronefs. Il est Chevalier de la Légion d’honneur et titulaire de la Médaille aéronautique. Le Diplôme Paul Tissandier vient couronner son dévouement, ses compétences, désormais reconnus au niveau international.
Quant au musée, il a lui aussi connu cette reconnaissance à travers des prix prestigieux (Prix Phoenix, Prix de l’Aéro-Club de France…) pour la qualité des restaurations réalisées. Il est devenu « Atelier du patrimoine aéronautique vivant », sans doute la plus belle des récompenses pour celui qui en a creusé les fondations… et qu’au Japon, on qualifierait de « Trésor vivant » tant ses connaissances semblent inépuisables en matière d’aviation et de son histoire…
Roger Gaborieau